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– Développer la société civile organisée

conn ONG: le bon grain et l’ivraie

Le commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire, Louis Michel, a suggéré aujourd’hui la création, par les ONG elles-mêmes, d’une "haute autorité" chargée de fixer et contrôler leurs règles d’intervention afin d’éviter toute dérive comme avec l’Arche de Zoé au Tchad. "Les ONG auraient tout intérêt à se construire une sorte d’ordre déontologique, de haute autorité, qui établirait (…) les règles d’intervention, les conditions éthiques", a déclaré M. Michel lors d’une conférence de presse organisée à l’issue d’une visite de 24 heures à Abidjan. Cette haute autorité pourrait faire "elle-même la police au sein des ONG comme il y a un ordre des médecins qui établit les règles déontologiques des médecins", a-t-il expliqué. "Il y aurait une haute autorité, a-t-il affirmé, je crois qu’on n’aurait pas des dérives, des problèmes ou des amalgames malheureux comme ceux qu’on a eu avec l’Arche de Zoé", cette association française qui voulait transférer en France 103 enfants à partir du Tchad (Le Figaro 18/11/2007).

bulb onPour une fois que M. Michel a une idée intéressante… lui qui, lors d’une conférence à Bruxelles il y a quelques années, suggérait une nouvelle colonisation de l’Afrique appuyée sur les instruments de l’Union Européenne, ne peut que voir d’un bon œil l’action de ces centaines d’organisations humanitaires qui ont repris l’action « civilisatrice » et évangélisatrice des frères prêcheurs de l’aventure coloniale. En l’espèce, on peut d’ailleurs douter qu’une déontologie quelconque aurait pu retirer à l’action de l’Arche de Zoé son caractère scabreux. Importer des enfants africains en Europe au bénéfice supposé de familles qui n’acceptent pas leur sort, eussent-ils été réellement orphelins, n’est pas nécessairement une action qu’on peut considérer comme responsable ni comme conforme au bien public.

Mais le caractère intéressant de l’idée est que la société civile doit s’organiser. Aujourd’hui, les organisations de la société civile prennent une importance croissante dans la gestion de la société. La défaillance des systèmes traditionnels de gouvernance étatique, l’aspiration croissante de la population à participer aux décisions qui la concerne, y poussent. Notre opinion est que l’Etat doit cesser d’étatiser, pour devenir progressivement une des formes régulatrices de la vie sociale mais non la seule. Parallèlement, l’Etat doit se recentrer sur ses attributions régaliennes et bien les assurer, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Si une régulation déontologique devait être mise en place, elle se heurterait sans nul doute à plusieurs difficultés.

La première est d’ordre définitionnel. Les ONG sont des organisations non-gouvernementales, par définition censées être indépendantes du pouvoir d’Etat, souvent internationales, certaines spécialisées dans l’humanitaire tiers-mondiste de type néo-colonial, d’autres dans la protection de l’environnement, d’autres dans la lutte contre la pauvreté et la précarité. La question est de ramener cette diversité à une unité plausible. Au terme d’ONG, il faudrait sans doute préférer celui d’OSC (Organisation de la Société Civile), définies comme organisations non-commerciales, indépendantes du pouvoir étatique, et visant le bien commun qu’elles contribuent à promouvoir.

water tap 2La seconde a trait au financement. Sans une ouverture du financement public, les organisations de la société civile ne pourront que très difficilement se développer car elles ne pourront avoir recours qu’à la générosité de donateurs déjà pressurés par la taxation, le coût de la vie et des demandes pressantes de toutes parts, dans un contexte marqué par l’affaiblissement du goût de l’engagement civique. Une telle ouverture du financement public signifierait la fin du monopole de l’Etat sur les ressources publiques. Elle passerait par une loi-cadre ouvrant de droit l’accès au financement public à un certain nombre d’organisations satisfaisant à certains critères, ce qui n’a rien à voir avec un subventionnement ou avec une « reconnaissance d’utilité publique » que l’Etat n’est pas légitime pour décerner.

La troisième est que cette régulation supposerait sans doute une ouverture du pouvoir étatique de coercition, sans quoi les décisions disciplinaires des ONG resteraient sans effet. L’Etat devrait donc s’engager à faire respecter en tant que de besoin ces décisions devant ses tribunaux.

On le voit, il s’agit d’une réduction massive du rôle de l’Etat, mais compensée par une montée en puissance de la société civile organisée. Rien à voir, donc, avec le libéralisme professé par M. Michel.

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