
L’Union Européenne et l’Europe
En panne, en crise, paralysée, dans le coma, désenchantée…Autant d’expressions qui traduisent un même constat: l’Union européenne est en proie à la sinistrose à l’heure de fêter le 50e anniversaire des traités de Rome – dont l’acte de naissance de la Communauté économique européenne. A cette occasion, les Vingt-sept ne manqueront pas de vanter les mérites et les succès – paix, prospérité, euro, marché commun, libre circulation…- de l’intégration européenne, un modèle qui suscite le respect, sinon l’admiration du reste du monde. C’est de circonstance. Mais le coeur n’y est pas et la photo de famille fixera des sourires crispés.
Qui sommes-nous ? Où allons-nous, que voulons-nous et comment y arriver ? Sur les réponses à apporter à ces questions essentielles, les Vingt-sept peinent à s’entendre et, partant, à définir l’avenir du projet européen, snobé par une partie des élites et boudé par les citoyens (…) Un accord, mais lequel ? Comment concilier deux conceptions opposées de la construction européenne ? L’Europe doit en faire plus, clament les uns, partisans, comme l’Espagne, d’un traité élargi à des matières sociales, énergétiques et environnementales. L’Europe en fait déjà trop, rétorquent les autres, jaloux de leurs prérogatives nationales et/ou privilégiant la dimension économique à l’approfondissement politique. "Personne ne bouge. Il n’y a pas clé pour débloquer la situation", se lamente l’ancien président de la Commission, Jacques Delors. (…) Car c’est l’autre grand défi qui attend les dirigeants européens : convaincre ces citoyens qui n’entendent rien à l’Europe, s’en méfient ou s’en préoccupent comme un poisson d’une pomme, qu’elle est faite par et pour eux. "Je ne crois pas au scénario catastrophe", rassure l’ancien vice-président de la Commission Etienne Davignon. "Mais si nous n’apportons pas de justification à ce que nous sommes, alors la crédibilité n’existe plus". (La Libre, le 19/03/2007).
Tout d’abord une clarification: l’Union Européenne n’est pas l’Europe.
L’Europe est une réalité culturelle, historique, géographique et ethnique; l’Union Européenne est une mise en commun de moyens par des Etats. La dernière ne saurait usurper la réalité de la première.
En témoigne entre autres multiples exemples la récente directive sur la fiscalité de l’épargne: l’UE va vers la disparition du secret bancaire dans l’Union; elle n’enlève rien ce faisant à la souveraineté des Etats membres sur le plan fiscal – au contraire, elle leur assure une efficacité accrue dans la taxation de leurs ressortissants. Il s’agit bien de renforcer le contrôle sur les citoyens en mettant en place des coordinations étatiques au-delà des frontières sur un plus vaste territoire, un domaine impérial.
Or, il est illusoire de chercher à continuer l’intégration européenne dans ce sens d’une construction étatique. Ce concept est dépassé, et ses « inspirateurs » manquent singulièrement de vision. La soit-disant Constitution Européenne n’est, rappelons-le, rien qu’un instrument de création d’un organe étatique supranational dont les peuples n’ont nul besoin. Tant que les vieux schémas n’auront pas été révisés, tant que les objectifs n’auront pas été mis en cause dans leur bien-fondé, on continuera de parler de "désaffection", de "panne" ou de "crise", latente ou ouverte, de l’intégration européenne.
Le deuxième point est que la seule orientation possible est de revoir les différentes institutions qui ont été mises en place (Commission Européenne, Parlement Européen, Conseil de l’Europe, etc.) sous l’angle du service rendu aux citoyens.
Quels sont les services concrets rendus aux peuples par ces institutions? Quelle valeur produisent-elles? Où passe la limite entre l’organe bureaucratique qui se nourrit de lui-même et l’organisation qui rend un service effectif, socialement utile? Comment peut-on renforcer le contrôle social sur ces institutions ainsi que leur transparence? Comment, par qui, avec quel degré de démocratie et de professionnalisme seront conduits cette interrogation et les réformes indispensables ? Répondre à ces questions nous paraît être la seule voie d’avenir – même si, en retour, elle peut paradoxalement faire grincer les dents des Etats nationaux. Autrement dit, il faut changer de client : les peuples, et non plus les Etats.